Le Colonial
(14e jour)
Tu te faufiles entre les tables
tu déposes ta sucette
rose en forme de cœur
lollipop
sur l’étui de sa guitare
couchée à même le sol
du bar Colonial
c’est écrit sur la façade
tu lui lances un regard
intimidé
il t’a vue
tu te réfugies dans mes bras
et tu t’abandonnes
à un sanglot
long long long
profond profond profond
tu te vides d’un coup
tu l’as fait
tu n’osais pas t’approcher
tu ne voulais pas qu’ils te voient
ces ventres mous
à peine conscients
de leur propre vie
la tienne déborde
hurle sa faim
de vibrer
aux inflexions rocailleuses
si tristement belles
si terriblement poignantes
de cette voix
de cette guitare
de cet homme dévoré
qui lutte seul
beau comme un dieu
qui n’a pu atteindre l’Olympe
parce que ceux qui auraient dû l’y porter
sont sourds
et aveugles
mais pas toi
et tu pleures de tristesse
et de joie
18 août 2019