Au printemps, dévisage !

Odilon Balgy


Ce matin, au marché
les visages ont éclos
des centaines de visages
entiers
avec un nez
des pommettes
des joues
et une bouche,
avec des sourires
pleins
larges
éclatants ou gênés
brillants ou gâtés

L’enfant les saisit
à pleine poignées
il n’en avait jamais vus autant
il ne savait pas que c’était possible
tous ces sourires,
ils ont percé les masques
ils montrent le chemin
de la liberté
de l’humanité
qu’il ne connaissait qu’à moitié
des moitiés de visages
des moitiés d’humains

Ce matin, au printemps
qui s’invite avant l’heure
ils ont éclos
par centaines
comme les pétales roses
comme les pétales blancs
qui étirent le cou
sur les branches noueuses
en attendant mieux

Ce matin, au marché
le vieil homme se faufile
le regard bas
les bras ballants
le pas lourd
le visage à moitié
le mal n’est pas parti
il a signé un pacte
accepté un compromis
une voie médiane
où l’on trouve son compte
acceptable
à défaut de mieux
il doit encore se cacher
se méfier de l’autre
de tous

L’enfant le dédemivisage
étonné
car ce matin, au printemps,
les sourires ont éclos
et inondé
les terres desséchées


© Éditions de L’ARBàLETTRES, 2022


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